Electron-Positron a été réalisée à la demande du CERN (Centre Européen de Recherche Nucléaire) en vue de « l'acte inaugural » du LEP, le grand collisionneur européen à électrons et positons inauguré à Genève le 13 novembre 1989.
L’acte inaugural devait comporter un « spectacle métaphorique » de trois minutes évoquant l’activité autour du LEP : le spectacle consistait d’images animées projetées sur un écran circulaire géant d’une circonférence de 135 m – à l’échelle 1/200e du LEP – accompagnées d’une composition sonore (Electron-Positron) pour bande 8 pistes diffusée par un réseau de haut-parleurs situés au voisinage de l’écran. La partie visuelle a été réalisée par Richard Beaudemont. Une première séquence, d’une durée de deux minutes, suggère la mise en route et l’accélération des faisceaux d’électrons et de positrons par des mouvements autour des auditeurs de sons rythmés qui accélèrent pour aboutir à l’événement de collisions. La seconde séquence, qui dure une minute, est plus libre dans son programme : elle doit suggérer l’intervention humaine. Electron-Positron est une évocation métaphorique et non une traduction rigoureuse de ce qui se passe physiquement.
Cette illustration sonore fait appel à des techniques de pointe : synthèse par ordinateur de sons paradoxaux (paraissant monter sans fin ou accélérer sans fin), spatialisation numérique des sons en temps réel, ralentissement de la parole sans transposition à l’aide de l’analyse-synthèse par décomposition en « grains de Gabor » (sur le mot Gira – ça tourne – prononcé par Alex Grossmann, un des pères fondateurs des ondelettes : ce ralenti est une réalisation de Daniel Arfib à l’aide de son logiciel Sound Mutations). Au début, on peut entendre le « son du LEP », un son obtenu par démodulation, qui correspond à l’oscillation de phase des paquets de particules par rapport à la fréquence accélératrice. Cette oscillation se retrouve dans le domaine audible, autour d’un sol dièze. Ce son est graduellement affecté de glissements en « vis sans fin » obtenus grâce à des filtres numériques dont les fréquences centrales sont modulées en temps réel en restant à intervalle d’octaves. Les montées ou accélérations indéfinies ont été réalisées par synthèse additive à l’aide du logiciel Music V. Il faut mentionner la collaboration de l’Equipe d’Informatique musicale du Laboratoire de mécanique et d’acoustique du CNRS et de la Faculté des sciences de Luminy, Université d’Aix-Marseille II, et notamment de Pierre Dutilleux.
Jean-Claude Risset.