Stéphane Mallarmé aurait-il apprécié qu'on mette son poème en musique ? S'il est des « poèmes-musique », celui-ci est la plus admirable architecture sonore, celle qui contient les plus fines nuances de couleurs et d'harmonie, les plus délicates variations de mouvement, les plus beaux silences. Il est à la fois poème et musique, le temps y est présent et met en mouvement le langage poétique. Lorsque j'ai décidé de m'approprier ce poème pour un travail musical, une chose m'est apparue évidente : ne pas toucher au mot, mais chercher à transcrire dans mon art ce qui est derrière le mot ; ne pas mettre le poème en musique mais lui prendre sa musique pour la faire sonner avec un matériau de mon choix : une clarinette et... des sons invisibles. Soit : un homme et un ordinateur.
L'environnement informatique créé pour cette œuvre est écrit dans le langage Max qui fonctionne sur la nouvelle station musicale conçue par l'Ircam. Sa vitesse de calcul me permet d'accéder au monde grisant du temps réel, puissance technique que je veux faire devenir puissance expressive par le biais de l'écriture. L'ordinateur est un orchestre où les instruments s'appellent échantillonneurs, oscillateurs, filtres, réverbérateurs. Orchestre dont le discours musical se tisse autour du jeu du clarinettiste.
Christophe de Coudenhove.