L'ère de rien pourrait être qualifiée d'œuvre « exotique », tant son matériau musical s'inspire des cultures extra-européennes. L'ornementation micro-tonale, au caractère moyen-oriental dans le début de la pièce, la musique de rituel évoquant l'Asie dans la section centrale, ou la conclusion faisant directement référence aux polyrythmies africaines sont autant d'éléments clairement identifiables pour l'écoute qui balisent ce voyage musical à travers les continents.
Le point commun entre ces différentes sources est sûrement la notion de périodicité. En effet, les « boucles » (le terme anglais « pattern » serait plus adéquat) sont omniprésentes, la déformation progressive de ces idées d'origine sous-tendant le discours. Eléments de contrastes, deux interludes jouent sur le statisme, afin de renouveler une texture généralement fondée sur le mouvement. Ces épisodes « occidentaux » laissent généralement la part belle au piano, dont la fonction varie tout au long de la pièce (quelquefois soliste, quelquefois muet, il est rarement limité à un simple rôle d' accompagnateur).
L'ère de rien marque donc la tentative de faire coexister des styles musicaux très différents, voire antagonistes, et vise à donner un sens et une cohérence à cette synthèse d'éléments. La notion d'intégration est donc primordiale dans cette œuvre, composée en avril 2002, au moment où certaines idéologies reposant sur le rejet de l'autre et sur l'intolérance connaissaient une tragique expansion en France.
Bruno Mantovani.