Elliott Carter (1908-2012)

Syringa (1978)

pour mezzo-soprano, basse, guitare et ensemble

  • Informations générales
    • Date de composition : 1978
    • Durée : 20 mn
    • Éditeur : Associated Music Publishers
    • Dédicace : à Sir William et Lady Glock
    • Livret (détail, auteur) :

      John Ashbery, Syringa, et fragments grecs de Platon, Hésiode, Eschyle, Euripide, Mimnermos, Archiloque, Sappho, Homère, Ibycos

Effectif détaillé
  • solistes : mezzo-soprano solo, basse solo, guitare
  • flûte alto, cor anglais, clarinette basse, trombone, percussionniste, piano, violon, alto, violoncelle, contrebasse

Information sur la création

  • Date : 10 décembre 1978
    Lieu :

    États-Unis, New York, Tully Hall, pour les soixante-dix ans d'Elliott Carter


    Interprètes :

    Jan DeGaetani : mezzo-soprano, Thomas Paul : baryton, ensemble Speculum Musicae, direction : Harvey Sollberger.

Note de programme

Lorsque John Ashbery et moi-même décidâmes de travailler ensemble sur une œuvre musicale (pour laquelle nous avions obtenu une subvention du National Endowment for the Arts), j'ai choisi, parmi ses textes, son poème Syringa, qui me plaisait beaucoup par un thème fascinant et aux multiples facettes : Orphée et le pouvoir de la musique. Il me vint rapidement à l'esprit d'accompagner le chant du poème lui-même d'un second chant, qui exprimerait l'arrière-plan subliminal évoqué dans l'esprit du lecteur. Vers la fin du poème, les vers

« ... l'histoire contient des syllabes cachées
De ce qui arriva si longtemps auparavant »

induisent l'idée que le texte du second chanteur reflète dans des « syllabes cachées » certains des sons, idées et sentiments du poème d'Ashbery — les « syllabes cachées » des Grecs classiques, puisque le poème est fondé sur un mythe classique. L'histoire bien connue d'Orphée, telle qu'Ashbery nous la rapporte, se termine dans une sorte d'apothéose : l'œuvre entière s'inscrit ainsi dans le cadre du culte orphique qui a grandi autour du musicien quand, après son démembrement, sa tête, qui chantait toujours, a traversé de Grèce en Asie Mineure les eaux de la mer Egée, et que sa tombe est devenue un lieu de pèlerinage.

Dans cette partition, la mezzo-soprano chante le texte d'Ashbery pendant que la basse chante des fragments de textes grecs que j'ai choisis moi-même : on commence avec l'histoire de la création orphique, incluant quelques lignes de Platon sur le poète lui-même, Orphée. Puis, se brisant sur le mot « immortel », la basse chante une lamentation pour Eurydice. Après l'intervention d'Apollon dans le poème d'Ashbery, la basse présente un montage de différents fragments lyriques, écrits par Mimnermos, Archiloque, Sappho et Ibycos (VIe-Ve siècles av. J.-C.), qui reflètent certains aspects du poème moderne. Plus tard, pendant que la mezzo-soprano chante « But how late to be regretting », la basse expose l'idée de Platon sur le mythe : lorsque Orphée est allé dans l'Hadès pour sauver Eurydice, seul le fantôme de cette dernière fut autorisé par les dieux à l'accompagner « parce que, Orphée n'étant qu'un musicien, il n'aurait pas le courage de mourir par amour ».

Le reste du texte grec est constitué de citations : textes d'Héraclite sur le changement constant, hymne d'Homère sur la musique, diatribe contre Apollon (Cassandre la folle, dans Agamemnon, jouant sur le nom du dieu qui signifie aussi en grec « le destructeur »). Le texte se termine sur les mots du culte orphique soma, sema — corps, signe (de l'âme).

L'œuvre est dédiée à sir William et lady Glock. La création mondiale a eu lieu au Tully Hall de New York le 10 décembre 1978, à l'occasion de mon soixante-dixième anniversaire.

Elliott Carter.

Documents