Aurélien Dumont (1980)

L'Autre fille (2020)

musique-fiction en ambisonique

œuvre électronique, Ircam
installation

  • Informations générales
    • Date de composition : 2020
    • Vidéo, installation (détail, auteur) : Daniel Jeanneteau, adaptation et réalisation
    • Durée : 45 mn env
    • Commande : Ircam-Centre Pompidou
    • Livret (détail, auteur) :

      L’Autre fille, d’Annie Ernaux

Information sur la création

  • Date : 11 septembre 2020
    Lieu :

    France, Paris, Centre Georges Pompidou, Grande salle


Information sur l'électronique
RIM (réalisateur(s) en informatique musicale) : Augustin Muller (réalisation en informatique musicale, Ircam)
Dispositif électronique : spatialisation (dôme ambisonique)

Observations

Œuvre composée pour la série Musiques-Fictions de l’Ircam

Avec la voix d'Annie Ernaux et musique (Memento moris) enregistrée par les musiciens de l’ensemble L’Instant Donné : Nicolas Carpentier, violoncelle ; Maxime Echardour, percussion ; Mayu Sato-Brémaud, flûte.

Note de programme

Il s’agit d’abord d’une parole, Annie Ernaux s’adresse à sa sœur. Et même s’il s’agit d’une lettre, écrite à une sœur morte avant sa propre naissance et donc jamais rencontrée, ce texte procède d’une certaine oralité intérieure : c’est un dialogue avec le silence. C’est donc un texte qui vient naturellement s’inscrire à l’endroit de l’écoute, et qui ouvre un espace d’introspection attentive. Annie Ernaux nous accueille dans le travail de construction de sa conscience, ce travail qu’elle mène avec courage et lucidité depuis tant d’années, et qui relie chacune de ses œuvres il me semble.

En faire l’objet d’une lecture par l’auteure elle-même était une sorte d’évidence, peut-être simplement parce qu’un tel texte ne peut être interprété, joué dans la distance d’une interprétation. Le faire entendre procède peut-être, encore, du geste de l’écriture, pour autant que ce soit le corps même de l’auteure qui le traverse. Le temps a passé depuis que ce texte a été écrit, qui relate des événements eux-mêmes déjà anciens. C’est apporter un élément nouveau et particulièrement émouvant que de restituer, grâce aux propriétés de la diffusion ambisonique, quelque chose de la présence d’Annie Ernaux à ce moment de son existence, et dix ans après qu’elle ait écrit L’autre fille. Annie Ernaux est par ailleurs une excellente lectrice, tenant à distance ses émotions, les laissant filtrer néanmoins sans que les affects ne viennent peser sur l’expression. C’est un peu comme si elle-même était témoin de son écriture, de son besoin d’interroger par l’écrit la présence en elle de cette sœur jamais connue.
Daniel Jeanneteau

L’écriture musicale de L’Autre fille est dévolue à un trio instrumental composé d’une flûte basse, d’un violoncelle et de percussions. L’écriture électronique se concentre principalement sur la restitution du trio dans un espace acoustique qui lui est propre et sur une conception du son qui met en avant la corporéité des interprètes. La musique est une voix à la fois indépendante et en prolongement du texte d’Annie Ernaux, notamment en questionnant d’un point de vue sonore le thème de l’absence. Esthétiquement, elle exclut toute forme d’illustration ou tout autre ressort démonstratif et nous invite, par le biais d’un travail particulier sur le silence et la vibration, à notre propre intériorité.
Le fait que le texte soit dit par l’auteure est un défi en soi. La méthodologie a été de laisser dans un premier temps le geste compositionnel originel en autonomie par rapport à sa voix. En d’autres termes, il s’agissait de puiser dans ma propre lecture du texte le substrat nécessaire à l’élaboration sonore et processuelle de la partition, en discussions suivies avec Daniel Jeanneteau. Dans un second temps, le déploiement des esquisses musicales avec l’enregistrement de la voix d’Annie Ernaux a redéfini les contours formels de l’œuvre afin de trouver sensiblement la place de l’un par rapport à l’autre, un équilibre, une juste mise en tension. Pour reprendre le concept de François Jullien de dé-coïncindence, l’idée est davantage de provoquer une rencontre que de vouloir se faire correspondre deux expressions dans un rapport illustratif possiblement inorganique.
Aurélien Dumont

Note de programme des représentations du 18 au 25 juin 2022 au T2G Théâtre de Gennevilliers.