Isidore Isou (1925-2007)

Formes ciselantes et particulièrement polyautomatiques de l'aphonisme (1967)

pièce pour instruments aphonistiques

  • Informations générales
    • Date de composition : 1967
    • Éditeur : Roberto Altmann, Paris, nº Collection « Avant-garde » n°14, 1967

Information sur la création

Observations

Dans cette pièce chargée de sens, des aphonistes se peignent de face ou dos au public. Cette action multiple est polysémique et métaphorique et permet à Isidore Isou d’introduire des concepts clefs ainsi que des éléments théoriques à la partition elle-même. Après une coiffure classique (une raie très droite) de face, puis de dos (première étape rebelle de bouleversement) se développe un « solo hermétique » d’un aphoniste retourné, les cheveux y deviennent des « particules élémentaires » et leur enchevêtrement, leur entortillement « en rapports inusités », sont des symboles du processus isouien de bouleversement de l’Art. Les camarades du soliste se retournent alors à leur tour « pour refaire en chœur ce que l’initiateur a déjà proposé en solitaire : l’œuvre mallarméenne en instruments aphonistiques est effectuée par l’ensemble des compagnons » jusqu’à obtention d’un « labyrinthe de mèches ». S’ensuit un passage de « l’étape de condensation à l’étape polyautomatique » : tandis que certains aphonistes repeignent leurs cheveux d’une manière normale ou banale, un protagoniste « commence à manœuvrer sa coiffure au hasard, en improvisant des formes et des expressions aléatoires », ce qu’Isou nomme la « technique d’association libre ». Ce qui ouvre la voie aux autres aphonistes qui, dos au public, « s’adonnent à […] l’activité esthautomatique des mèches aphonistiques, selon plusieurs rythmes possibles, calmes, diaphanes, furibonds ou démentiels ». Puis les artistes proposent une « œuvre polythanasique » en se moquant de leur coiffure et en utilisant « tous les moyens concevables pour la détruire ou pour en présenter une image anéantie », s’abîmant les cheveux en les piétinant ou en les frottant à la scène. Enfin, ils se calment et recommencent à se peigner tranquillement, « à réarranger leur coiffure selon un canon simple, volontairement classique et néanmoins approfondi, comme s’ils réalisaient un poème élégant-baudelairien-en soi. » On lit ainsi, derrière ces coiffures et cheveux entortillés, les différentes étapes du système à deux hypostases d’Isou : amplique-ciselant, comme l’histoire d’un groupe d’avant-garde avec son leader et ses bouleversements esthétiques.