Oscar Bianchi (1975)

Matra (2007)

cantate

œuvre électronique

  • Informations générales
    • Date de composition : 2007
    • Durée : 60 mn
    • Éditeur : Inédit
    • Commande : Swiss Art Council, avec le soutien de Pro Helvetia
Effectif détaillé
  • solistes : 1 flûte à bec [contrebasse] , 1 flûte basse, 1 saxophone contrebasse
  • ensemble de voix solistes(2 soprano solo, mezzo-soprano solo [], contre-ténor solo [], ténor solo [], baryton solo [], basse solo [])
  • 1 hautbois, 1 clarinette, 1 trompette, 1 trombone, 1 guitare électrique, 1 basse électrique, 1 piano (aussi 1 clavier électronique/MIDI/synthétiseur), 2 percussionnistes, 1 violon, 1 alto, 1 violoncelle

Information sur la création

  • Date : 12 octobre 2007
    Lieu :

    France, Strasbourg, festival Musica


    Interprètes :

    l'ensemble Ictus, Neue Vocalsolisten Stuttgart, Susanne Froehlich, Rico Gubler, Michael Shmidt, sous la direction de Georges-Elie Octors.

Information sur l'électronique
Dispositif électronique : dispositif électronique non spécifié

Note de programme

Ma rencontre avec le Vijnana-Bhairava Tantra, l'un des sommets de la philosophie religieuse indienne, remonte à des années. Je me suis alors promis qu'un jour, je traduirais en musique une partie de son message. Cette transposition commence avec Matra, une œuvre d'environ cinquante minutes qui entend incarner et véhiculer ce type d'expérience : une compréhension des questions existentielles fondamentales fondée sur l'expérience individuelle. Dans les textes du Vijnana-Bhairava Tantra, Devi pose à Shiva une série de questions fondamentales :

O Shiva, quelle est ta réalité ?
Quel est cet univers plein de merveille ?
Qu'est-ce qui constitue la semence ?
Qui tient l'axe central de la roue universelle ?
Quelle est cette vie au-delà de la forme qui pénètre les formes ?
Comment y accéder pleinement, par delà espace et temps, noms et descriptions?
Clarifie mes doutes !


Shiva répond par 112 soutras, ou techniques. Quand une réponse arrive, elle ne procède donc pas du savoir d'autrui de préférence aux écritures religieuses ; elle est fille de l'expérience personnelle, c'est-à-dire de la méditation sur cette technique. L'accent est donc mis sur l'expérience individuelle et sur la conscience du fait que la vérité est un processus individuel, impossible à transmettre littéralement. En effet, au-delà de l'objet, cette vérité n'est pas un savoir mais un état de l'être.

Trois des cent douze soutras du Vijnana-Bhairava Tantra forment les textes de la cantate Matra. Les textes de Marie de Magdala et de Lucrèce s'entrelacent avec les précédents pour affermir un message fondamentalement commun sans aucune volonté syncrétique.

L'œuvre se divise en trois sections et à trois niveaux de lecture. Le premier, textuel, véhicule trois Soutras, un par section avec des extraits de l'Evangile de Marie de Magdala et du De Rerum Natura de Lucrèce. Le deuxième niveau représente symboliquement la structure des sept corps (système commun à de nombreuses philosophies et médecines orientales) selon laquelle l'homme connaît et perçoit l'existence grâce à sept centres différents (dans Matra on trouve les trois premiers, définis comme corps physique, éthéré et astral). Le troisième niveau, spécifiquement musical, transmet une expérience qui dépasse le dicible. Il revendique une autonomie, une vérité intrinsèque cachée dans la force évocatrice du son, une authenticité a priori. La cantate Matra a donc un objectif polysémantique, pour que les trois niveaux, musical, textuel et symbolique, communiquent et s'interpénètrent.

Sur le plan musical, l'ensemble vocal incarne le dialogue, à la fois comme message et représentation du message. En solo et/ou en ensemble choral, la voix est à la fois message et messager, qui communique mais qui exprime aussi une matière, une épaisseur. L'ensemble instrumental est le soubassement de tout l'ensemble. Dans l'évolution de l'expérience musicale de la cantate, il se présente comme corps et résonateur du message vocal. Le trio concertant, composé de trois instruments relativement inusités (flûte basse, flûte à bec contrebasse – flûte Paetzold – et saxophone contrebasse) assure une troisième dimension, une sorte d'air chargé de gravité, à mi-chemin entre les instruments et la voix, doté de son autonomie, tantôt pour conduire tantôt pour unir les deux ensembles. Presque un chœur grec transfiguré tant par la nature abstraite des sons qu'il produit que par la perspective particulière que lui confère sa situation dans l'effectif orchestral.

Oscar Bianchi