Misato Mochizuki (1969)

Noos (2001)

pour orchestre

  • Informations générales
    • Date de composition : 2001
    • Durée : 19 mn
    • Éditeur : Breitkopf & Härtel
Effectif détaillé
  • 3 flûtes (aussi 1 flûte piccolo), 3 flûtes (aussi 1 flûte piccolo), 3 hautbois (aussi 1 cor anglais), 3 hautbois (aussi 1 cor anglais), 2 clarinettes, 2 clarinettes, 1 clarinette basse, 1 clarinette basse, 1 saxophone alto, 1 saxophone alto, 2 bassons, 2 bassons, 1 contrebasson [double basson] , 1 contrebasson, 4 cors, 4 cors, 3 trompettes, 3 trompettes, 3 trombones (aussi 1 trombone basse), 3 trombones (aussi 1 trombone basse), 1 tuba, 1 tuba, 5 percussionnistes, 5 percussionnistes, 1 harpe, 1 harpe, 1 piano, 1 piano, 14 violons, 14 violons, 12 violons II, 12 violons II, 10 altos, 10 altos, 8 violoncelles, 8 violoncelles, 6 contrebasses, 6 contrebasses

Information sur la création

  • Date : 30 novembre 2001
    Lieu :

    Cologne, Philharmonie


Note de programme

Pierre Teilhard de Chardin, théologien et scientifique français (1881-1955), a introduit dans son œuvre le concept de noosphère, ou sphère de l’esprit (noos signifie esprit en grec), pour intégrer l’homme à l’histoire de la terre, dans une perspective évolutionniste cohérente : la noosphère est née de la biosphère, ou sphère de la vie, elle-même chimiquement issue des sphères constitutives de la terre : la barysphère ou noyau métallique (le feu), la lithosphère ou couche rocheuse (la terre), l’hydrosphère ou enveloppe aqueuse (l’eau), et l’atmosphère ou enveloppe gazeuse (l’air). Ces sphères se distinguent entre elles par leur aspect granulaire : les atomes et éléments chimiques sont les grains de la matière inanimée, la cellule vivante est le grain de vie constitutif de la biosphère, que l’on retrouve identique chez les végétaux et les animaux, et l’être humain est lui aussi un grain d’un genre nouveau, le grain de pensée de la noosphère. Chacune de ces étapes représente une nouvelle complexification de la matière, qui se diversifie à partir de la reproduction et des assemblages d’une même entité duplicable à l’infini (l’atome, puis la cellule, puis l’homme). L’histoire des sociétés humaines se lit alors sous l’angle biologique, comme celle de multiples tentatives de « moléculisation » d’entités élémentaires de pensée: tribus, nations, communautés d’esprits. L’homme recouvrant progressivement la surface de la terre, la noosphère développe ses réseaux de communication (routes, satellites, internet), ses centres de pouvoir et de décision (religions, états, lobbies économiques). L’humanité est un vaste réseau d'échanges (de marchandises, d’hommes, d'idées ...), à l’image d’un gigantesque cerveau dont chaque neurone serait l’un de nous. Les idées naissent, les informations se propagent comme des influx nerveux, et le mouvement s’accélère sous nos yeux. Cette vision est le point de départ de Noos. L’aspect granulaire était déjà présent dans mes pièces précédentes ; il se double ici d’une attention particulière sur le travail des timbres, d’une démarche plus méditative sur un rythme, une note ou une phrase.

Deux églises m’ont impressionnée lors de mes récents voyages, la mezquita de Cordoue [Cordoba] et le grand octogone du mémorial de Berlin — Kaiser Wilhelm Gedächtnis Kirche. L’intérieur de la mezquita est régulièrement découpé par les piliers des arcades, qui sont pour moi l’équivalent d’une pulsation musicale à deux dimensions: des perspectives inattendues s’ouvrent au plus léger déplacement du point de vue. La lumière pénètre par de fines ouvertures et frappe les murs de manière oblique, parfois tranchante, soulignant une teinte ou le détail d’une arabesque.

En pénétrant dans l’octogone de Berlin, le visiteur est immédiatement happé par une profonde enveloppe lumineuse bleue. Cette teinte provient de carrés de verre muraux, avec tous les dégradés de bleu, mais en observant plus attentivement, on s’aperçoit que certains carrés sont roses, d’autres verts ou jaunes, et que ce sont justement ces détails qui procurent à l’ensemble sa richesse et son unité. Ces différentes impressions visuelles ont inspiré plusieurs passages et l’esprit de cette partition.

Misato Mochizuki,2001, éditions Breitkopf & Härtel