Arnold Schoenberg (1874-1951)

Erste Kammersymphonie op. 9 (1906)

pour 15 instruments
[Symphonie de chambre n°1]

  • Informations générales
    • Date de composition : 1906
      Dates de révision : 1914 - 1924
    • Durée : 22 mn env
    • Éditeur : Universal Edition, nº UE 7147
    • Opus : 9
Effectif détaillé
  • 1 flûte (aussi 1 flûte piccolo), 1 hautbois, 1 cor anglais, 1 petite clarinette (en ré) (aussi 1 clarinette en mib), 1 clarinette basse, 1 basson, 1 clarinette en la (aussi 1 clarinette), 1 contrebasson, 2 cors, 1 violon, 1 violon II, 1 alto, 1 violoncelle, 1 contrebasse

Information sur la création

  • Date : 8 février 1907
    Lieu :

    Vienne


    Interprètes :

    le quatuor Rosé et des membres de l'Orchestre de l'opéra de Vienne.

Observations

Opus 9b : version pour grand orchestre, créée le  27 décembre 1936, Los Angeles, orchestre philharmonique, direction : Arnold Schoenberg.

Note de programme

Même quatre-vingt ans après sa composition, le choc qui provient de cette première Symphonie de chambre reste sensible : à la limite de la tonalité, elle semble mettre un point final définitif à tout une histoire qui a commencé à Vienne. Elle le fait dans une synthèse extrêmement concentrée et réduite à l'essentiel.

L'œuvre reprend l'ambition formelle des grandes symphonies romantiques en aiguisant les frictions harmoniques et en réduisant la durée à 22 minutes et l'effectif à quinze instruments solos, ce qui est particulièrement significatif pour les cinq cordes qui n'ont plus la force étoffée des cordes d'un grand orchestre symphonique. C'est du Brahms et du Mahler repris en filigrane. L'unité très synthétique et construite de l'œuvre — idée abandonnée par les compositeurs des autres œuvres du programme — se manifeste dans une forme en un seul mouvement qui reflète, avec une certaine distance, la forme élargie d'une symphonie classique : ainsi un scherzo (« très vite ») se trouve-t-il intercalé entre l'exposition et le développement, tandis qu'un « mouvement lent », qui se distingue nettement de son entourage par son tempo typique, suit le développement avant qu'une reprise ne présente les thèmes de l'exposition dans un ordre différent. Ici, la forme d'un mouvement de sonate se superpose à la forme d'une symphonie entière. La concentration des moyens ne fait que davantage sentir les forces centrifuges, voire explosives de l'œuvre.

A ce titre, l'accord de six quartes superposées par lequel commence la symphonie est bien symptomatique : dissonance énigmatique au premier moment, elle se résout pourtant, provisoirement, dans un accord parfait. Cinq ans plus tard, dans son Traité d'harmonie, Schoenberg donne une interprétation stratégique de ce procédé : « Les accords de quartes, quand ils apparaissent pour la première fois dans l'histoire de la musique, constituent un moyen d'expression « impressionniste » avant de devenir plus tard un moyen technique d'usage commun. » Or, après ce début de la Symphonie de chambre, le cor joue une fanfare constituée par une suite de six quartes consécutives ascendantes qui alors ne s'intègrent plus dans un contexte harmonique. Un intervalle, qui est l'incarnation même de la tonalité, met celle-ci en danger par sa superposition multiple qui détruit précisément toute force (dominante - tonique) de la quarte.

« Chez moi, il n'y a pas d'expressivité moyenne », écrit Schoenberg à Mahler en 1904. Du même coup, l'« expressivité » devient un élément isolé qui ne se justifie plus par un contexte de grande forme comme la sonate ou la fugue. Elle devient spontanée (Rihm) ou factice (Pernes), si elle ne se transforme pas en d'autres formes d'expression qui dans la musique d'aujourd'hui n'ont plus de lieu exclusif, fût-ce Vienne. L'expression devient mobile aussi, et sa métamorphose n'est pas une disparition. La même expérience se trouve exprimée dans le poème d'un autre Viennois de passage, Paul Celan :

Pas une
voix - un
murmure, tard, des heures ignorant, à tes
pensées offert, ici, enfinici suscité : une
feuille comme fruit, aussi large que l'œil, en profondeur
cochée ; cela
exsude, ne va pas
cicatriser.

Klaus Stichweh