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Gerhard Stäbler

Compositeur et organiste allemand né le 20 juillet 1949 à Wilhemsdorf près de Ravensburg

Les rapports que Stäbler entretient avec la musique témoignent d’une extrême précision et d’un esprit innovateur, cherchant à retrouver dans son matériau les résonances de son époque : à preuve la variété et l’originalité des matières, des thèmes et des méthodes de codification qui, à leur tour, amènent les sons à discourir sur l’époque. Les éléments générateurs et formateurs qu’il utilise ne se limitent pas à des séries de chiffres ou de lettres mais incluent également des théories de signes moins ordinaires, tel l’alphabet morse, structure de base ésotérique des Ungaretti-Lieder pour voix et percussions. Cette démarche allie le sérieux et l’engagement au jeu et à l’humour. Ainsi la pièce Zeitsprünge pour percussions et accordéon reflète-t-elle, hors tout naturalisme, le déroulement d’une journée de Stäbler.

C’est autour de sa vigilance politique et de son sens des responsabilités sociales que s’articule un langage aux nuances et aux significations multiples, qui tend vers une sémantique universelle de chacun des moments de la composition. Voilà pourquoi le compositeur - qui a été formé aux procédés sériels - soumet quelquefois au calcul de la composition des détails comme l’angle d’émission des instruments ou la température de la salle.

Comme le laisse entendre le titre d’une oeuvre chorale, Mit wachen Sinnen, la pensée radicale et constructive qui sous-tend sa musique exige une écoute et une réflexion actives. Un autre titre qui s’apparente à un programme, celui du quatuor à cordes …strike the ear…. Souvent d’ailleurs le sens cristallise autour de détails infimes. La bagatelle Dynamik/Eigendynamik se développe au long d’une tranquille variation vocale et instrumentale des harmoniques d’ut ; à l*’Internationale* sont empruntés quelques contours mélodiques souterrains et quelques paroles qui prennent fonction d’épigraphe. La subtilité de ce processus n’exclut d’ailleurs pas une certaine véhémence politique ; il n’est que de rappeler la prompte réaction de Stäbler à un événement comme celui du massacre des Palestiniens (Den Toten von Sabra und Chatila) ou celui de l’unification allemande (Oktober, Affiliert). Quant à son art de la transition, il a pour contrepartie l’emploi de contrastes abrupts, ce qu’illustre bien une oeuvre au titre paradoxal : rasend still.

Stäbler privilégie généralement les enchaînements graduels et denses qui participent davantage de la parataxe (un montage d’éléments à côté ou à la suite les uns des autres) que de l’hypotaxe (selon un principe de subordination) ou d’une évolution classico-organique. Dans le triptyque RuckVerschie(o)ben-Zuck, les structures sonores se construisent et se dissolvent, la forme s’organise autour de proportions comme celles du nombre d’or qui, elles-mêmes, sont liées à des chiffres que Stäbler déduit des noms et de ses dédicataires ; par ailleurs, les lettres de ces mêmes noms induisent les notes utilisées dans l’organisation du contexte musical.

La structure de ses oeuvres - compacte, homogène, presque monadique - , il l’entrouvre toujours à des perspectives vers l’extérieur, au «réel», à des éclats hétérogènes, que ce soit sous la forme de tons réels ou de citations auxquels il conserve leur étrangeté et leur différence - fallen, fallen… und liegen und fallen en est un exemple qui, sur des poèmes de Celan, introduit de la musique militaire ou publicitaire, sombres échos du passé et du présent. La musique de Stäbler est rigoureusement et parfaitement organisée, c’est une musique riche de référence à l’actualité et d’une grande expressivité. Face à l’auditeur et au monde, elle demeure ouverte et bienveillante.


© Ircam-Centre Pompidou, 1997

Sources

D’après Hanns-Werner Heister