Texte cité dans

Traduction

1. Dauphin

Mon Dauphin, tu me guides par surprise seulementcaptif comme Racine, l'homme du métier,mené dans son labyrinthe à la structure d'airainpar la voix errante incomparable de Phèdre.Lorsque mon esprit était troublé, tu as pris soin de mon corpspris dans sa corde de bourreau de vers affaiblis,la courbure et le grincement vitreux de ma volonté. . .J'ai prêté l'oreille à tropde mots de la muse collaboratriceet comploté peut-être trop librement avec ma vien'évitant pas les préjudices aux autres,n'évitant pas les préjudices à moi-mêmepour demander pitié... ce livre, moitié fiction,nasse à anguilles faite par l'homme pour combattre l'anguillemes yeux ont vu ce que ma main faisait.

2. De l'autre côté de la cour : la Ignota

La poitrine de la soprano respire la joie de Dieu,Brunhilde qui n'a pas pu dominer sa voix pour Dieuses imposants cadres de fenêtre jaune ivoiren'ont pas vu de peinture ou de mastic depuis vingt ans ;l'herbe, morte depuis Kennedy, étouffe la caisse à fleurs.Elle doit chanter pour que ses rideaux continuent à flotter ;I'un est rose de la poussière tombée sur l'ourlet écarlate,I'autre de la gaze salie ; et derrièreun radiateur électrique grillé, sa malle avec des auto-collantsde Munich était dressée en guise de pupitre à musique.Sa sonnette est morte. Personne ne va l'engager.Elle lance sa haute aria aux ordures comme des roses...Lorsque j'étais perdu et naïf, j'aurais donnétrois mois de loyer au concierge pour cette adresse.

3. Harriet

Printemps devenu été - la rude pluie froidepresse les ambitieux, les fleurs et la jeunesse ;nos sons-éclairs crépitent pendant une heure, et puisnous aussi nous suivons la nature, imperceptiblementnous changeons notre brun-souris en crinière blanche de lion,blanc clairet se décolorant en crâne tacheté, noueux,bronzé par décrépitude, par beaucoup, beaucoup de soleil...Enfant de dix, trois quarts animal,trois années de Juliette, demi-Juliette,déjà mûre pour la nuit sur scène-beaux pétales, que pouvons-nous espérer,sachant qu'un choix, et non deux, c'est tout ce qu'on nous donne,santé au-delà de la mesure, dangereusepour soi-même, plus dangereuse pour les autres ?

4. Dies Irae

En ce jour de colère, lorsque je suis à Satan,proie de ce sybarite sans enfantsDieu, il marche avec moi, il parle avec moi,dans le sommeil, dans le tonnerre, et dans le vent et la tempête ;il dépouille mes mots de leur vent et de leur gravier,et me pousse nu sur l'unique voie...Toi qui sauves ceux que tu dois sauver, toi, dontla moindre colère ruine ma foi,tu es venu de rien sur terre pour moi,mes ennemis sont nombreux, mes amis sont rarescombien de fois me trouves-tu, Dieu, et meurs-tu ?Notre Seigneur regarda une fois et vit que le monde était bondans Sa main, Dieu nous tient dans Sa main ;tout indique la non-existence sauf l'existence.

5. Nuit insouciante

Si seuls dans la campagne, et ô si immensément aimables,notre pesanteur levée de nous par la nuit...nous sortons en dansant vers ses banlieues de diamantet voyons les lumières sans limites de la couronne de collines-tout le jour ces voisins envahissants sont hors de vue.De gros moutons taches assombrissent l'herbe de leur poids,ils enflent au clair de lune et pèsent deux cents livres-aussi balourds que toi dans ta peau de mouton blanche, aussi nerveux de galoper...Les bergers errants de l'Enfant Jésus ont abandonné ce champ,parti le jovial pipeau trop prévisible du berger.Rien qui ne soit hors de portée de voix cette nuit longue comme le jour ;rien ne peut être humain sans l'homme.Qu'est-ce qui est pire que d'entendre crier l'enfant qui vient de naître-et chaque matin se réveiller heureux de s'être réveillé ?

6. Dans la Genèse

Vide. Un chameau qui aspire de l'eau.Dieu chez qui rien n'est dessein ou intention.Au commencement le sabbat pouvait durer une semaine,Dieu grommelant des secrets derrière la Montagne Bleue...Le serpent marchait sur ses pieds comme nous dans l'Éden ;glorifiés par la parfaite exposition au nord,Eve et Adam connaissaient leur nuditédécouverte qui se répéterait maintes fois...en une stupeur sans joie ?... Orphée dans la Genèsetaillait les mots dans le son brut, et enseignait aux hommes l'anglais,arrachait toutes les fleurs, déflorait toutes les fillesavec le zèle excessif d'un père.Il employait trop de mots, ses fils le tuèrent,dansant avec une gaieté reconnaissante autour de la broche.