Texte cité dans

Extraits de La Société du spectacle de Guy Debord et de Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique d'Isidore Isou

64 (fragment)
La marchandise que la bureaucratie détient, c’est le travail social total, et ce qu’elle revend à la société, c’est sa survie en bloc.

68 (fragment)
Mais la marchandise abondante est là comme la rupture absolue d’un développement organique des besoins sociaux.

52 (fragment)
Le sujet ne peut émerger que de la société, c’est-à-dire de la lutte qui est en elle-même. Son existence possible est suspendue aux résultats de la lutte des classes qui se révèle comme le produit et le producteur de la fondation économique de l’histoire.

70 (fragment)
Chaque nouveau mensonge de la publicité est aussi l’aveu de son mensonge précédent.
L’imposture de la satisfaction doit se dénoncer elle-même en se remplaçant, en suivant le changement des produits et celui des conditions générales de la production.

40 (2 fragments)
La croissance économique libère les sociétés de la pression naturelle qui exigeait leur lutte immédiate pour la survie, mais alors c’est de leur libérateur qu’elles ne sont pas libérées. L’indépendance de la marchandise s’est étendue à l’ensemble de l’économie sur laquelle elle règne.
L’économie transforme le monde, mais le transforme seulement en monde de l’économie.

26 (2 fragments)
La réussite du système économique de la séparation est la prolétarisation du monde.

177
Les « villes nouvelles » de la pseudo-paysannerie technologique inscrivent clairement dans le terrain la rupture avec le temps historique sur lequel elles sont bâties ; leur devise peut être : « Ici même, il n’arrivera jamais rien, et rien n’y est jamais arrivé. » C’est bien évidemment parce que l’histoire qu’il faut délivrer dans les villes n’y a pas été encore délivrée, que les forces de l’absence historique commencent à composer leur propre paysage exclusif.

4
Le spectacle n’est pas un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images.

154 (fragment)
La réalité du temps a été remplacée par la publicité du temps.

54 (fragment)
Le spectacle, comme la société moderne, est à la fois uni et divisé.

2 (fragment)
Le spectacle en général, comme inversion concrète de la vie, est le mouvement autonome du non-vivant.

1
Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s’annonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation.

12
Le spectacle se présente comme une énorme positivité indiscutable et inaccessible. Il ne dit rien de plus que « ce qui apparaît est bon, ce qui est bon apparaît ». L’attitude qu’il exige par principe est cette acceptation passive qu’il a déjà en fait obtenue par sa manière d’apparaître sans réplique, par son monopole de l’apparence.

203
La théorie critique du spectacle n’est vraie qu’en s’unifiant au courant pratique de la négation dans la société, et cette négation, la reprise de la lutte de classe révolutionnaire, deviendra consciente d’elle-même en développant la critique du spectacle, qui est la théorie de ses conditions réelles, des conditions pratiques de l’oppression actuelle, et dévoile inversement le secret de ce qu’elle peut être.

18
Là où le monde réel se change en simples images, les simples images deviennent des êtres réels, et les motivations efficientes d’un comportement hypnotique. Le spectacle, comme tendance à faire voir par différentes médiations spécialisées le monde qui n’est plus directement saisissable, trouve normalement dans la vue le sens humain privilégié qui fut à d’autres époques le toucher ; le sens le plus abstrait, et le plus mystifiable, correspond à l’abstraction généralisée de la société actuelle. Mais le spectacle n’est pas identifiable au simple regard, même combiné à l’écoute. Il est ce qui échappe à l’activité des hommes, à la reconsidération et à la correction de leur œuvre. Il est le contraire du dialogue. Partout où il y a représentation indépendante, le spectacle se reconstitue.

61 (fragment)
L’agent du spectacle mis en scène comme vedette est le contraire de l’individu, l’ennemi de l’individu en lui-même aussi évidemment que chez les autres.

60 (2 fragments)
La condition de vedette est la spécialisation du vécu apparent.
Elles incarnent le résultat inaccessible du travail social, en mimant des sous-produits de ce travail qui sont magiquement transférés au-dessus de lui comme son but : le pouvoir et les vacances, la décision et la consommation.

210
La négation réelle de la culture est seule à en conserver le sens. Elle ne peut plus être culturelle. De la sorte elle est ce qui reste, de quelque manière, au niveau de la culture, quoique dans une acception toute différente.

184 (fragment)
La fin de l’histoire de la culture se manifeste par deux côtés opposés : le projet de son dépassement dans l’histoire totale, et l’organisation de son maintien en tant qu’objet mort, dans la contemplation spectaculaire.

180 (fragment)
… La culture est le lieu de la recherche de l’unité perdue. Dans cette recherche de l’unité, la culture comme sphère séparée est obligée de se nier elle-même.

189 (fragment)
… La connaissance et la reconnaissance historiques de tout l’art du passé, rétrospectivement constitué en art mondial, le relativisent en un désordre global qui constitue à son tour un édifice baroque à un niveau plus élevé, édifice dans lequel doivent se fondre la production même d’un art baroque et toutes ses résurgences. Les arts de toutes les civilisations et de toutes les époques, pour la première fois, peuvent être tous connus et admis ensemble. C’est une « recollection des souvenirs » de l’histoire de l’art qui, en devenant possible, est aussi bien la fin du monde de l’art. C’est dans cette époque des musées, quand aucune communication artistique ne peut plus exister, que tous les moments anciens de l’art peuvent être également admis, car aucun d’eux ne pâtit plus de la perte de ses conditions de communication particulières, dans la perte présente des conditions de communication en général.


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